L’EPSS soutient la démarche de rapprochement entre travailleurs sociaux et des entrepreneurs sociaux. 

Le 13 décembre dernier, la Compagnie Générale des Autres a fédéré les acteurs de cette dynamique au Musée Social.  Marie-Jo Bernardot, administratrice à l’EPSS et Jean-Baptiste Mangue témoignent.

Travailleurs sociaux/ entrepreneurs sociaux : comment les rapprocher ?

marie-jose bernardotMarie-Jo Bernardot : La Compagnie Générale des Autres , anime depuis 2019, avec le soutien de GNIAC ( Groupement national des initiatives et des acteurs citoyens) et de la Fondation du Crédit Coopératif, une démarche de rapprochement entre travailleurs sociaux et entrepreneurs sociaux à l’initiative de Sébastien Poulet-Goffart à partir du constat de deux univers juxtaposés (le Monde du …2018).

Après plusieurs rencontres sur cette question avec l’appui d’un comité de pilotage partenarial, une étude exploratoire à caractère ethnologique a été menée auprès de 12 entrepreneurs et travailleurs sociaux.  Cette étude montre des méconnaissances réciproques qui constituent un frein important aux coopérations sur les territoires et dans les organisations.

L’EPSS a été associée dès 2019 aux travaux du comité de pilotage qu’elle a accueilli dans ses locaux du siège : l’une des administratrices MJ Bernardot-également vice-présidente de GNIAC- a organisé la mise en relation avec l’initiative de la CGA et au sein de l’EPSS , Jean-Baptiste Mangue a également participé aux travaux.

Pour partager les contenus de l’étude et explorer comment lever les freins repérés, la CGA et Ouishare ont organisé une rencontre de travail qui a réuni près d’une centaine de personnes issues des deux univers et des partenaires de la CGA , le 13 décembre 2021 ,au CEDIAS-Musée social.

Le premier constat est que l’économie sociale et solidaire n’est pas identifiée comme une appartenance commune et il est difficile dans un premier temps de faire apparaître des convergences « évidentes » entre les deux types d’univers ; en même temps , chacun , travailleur social ou entrepreneur social considère son propre  parcours professionnel comme « atypique » ! Du côté des travailleurs sociaux, il n’est pas simple de s’identifier à une catégorie professionnelle qui va mal :difficultés d’évolution des carrières, diplômes d’Etat insuffisants pour évoluer en interne, déficit de reconnaissance salariale, pas de reconnaissance comme métiers de « première ligne » pendant les confinements 2020,  etc.) ; on s’identifie avant tout à un métier pas à la catégorie « travailleur social » mais ce qui est surtout en partage, c’est un « vécu de souffrances ».

Les entrepreneurs sociaux , quant à eux ne se reconnaissent pas dans certaines représentations : ils seraient plus motivés par l’argent, utiliseraient les méthodes du privé « sans états d’âme » , avec, comme seul horizon l’efficacité. Eux-mêmes ne se revendiquent pas de la « start up nation » mais se voient comme des « acteurs membres d’un réseau d’acteurs du territoire » : ils souhaitent mettre leurs compétences au service d’un projet de société et mettre « les outils du privé » au service d’un projet social ( à noter que bon nombre de ces projets créés par les entrepreneurs sociaux sont sur le champ de l’économie circulaire , du développement durable et de l’insertion professionnelle).

Entre « métiers essentiels » et « métiers à impact », les nouveaux modes de financements par projet qui répondent à des besoins identifiés par les financeurs contribuent à brouiller les pistes et la baisse des subventions publiques (importante pour de nombreuses structures) obligent à diversifier les financements.
Développer des coopérations entre professionnels du travail social et entrepreneurs sociaux nécessite en premier lieu de bien connaître les compétences de l’Autre ; ou l’étude menée montre une certaine dissymétrie dans les représentations : les travailleurs sociaux pensent pouvoir apporter leur connaissance du terrain à des entrepreneurs sociaux souvent perçus comme déconnectés des réalités ( en miroir de la critique faite aux élites technocratiques « hors-sol « ) …alors que les entrepreneurs sociaux (en position d’employeurs) estiment que les travailleurs sociaux leur apportent une expertise dans la création de liens , dans la gestion des situations complexes et leur capacité à trouver « la bonne distance » avec les publics précaires ou fragiles. Les entrepreneurs sociaux pensent qu’ils apportent de la liberté d’organisation, d’initiatives quand les TS estiment que les entrepreneurs sociaux leur apportent surtout de l’énergie (peut-être une conséquence de la liberté d’initiative ?).

C’est principalement dans le secteur de l’insertion professionnelle et du parcours des bénéficiaires que les uns et les autres se rencontrent à travers différentes configurations : soit le TS « confie » une personne en insertion à une entreprise sociale qu’il choisit soit l’entreprise sociale embauche un TS pour l’aider à résoudre les difficultés sociales de la personne en insertion – dans ce cas la coopération est assortie d’un rapport de salarié à employeur.

Quid de l’innovation sociale ?

Ce mot devenu valise, mis à toutes les sauces, n’est pas spontanément abordé par les participants à l’étude : ce qui est jugé innovant, c’est la façon de faire avec les publics (le cas échéant !) .

Lors de la rencontre au Cedias, après la présentation de l’étude, les partenaires (notamment Impact France, GNIAC, la DGCS) ont donné leur point de vue : pour M. Florentin -adjoint au maire de Paris- sans les métiers du social , ce serait tout le tissu social qui serait en danger ; quant au président de la fondation du Crédit Coopératif , il estime que « coopérer , c’est faire œuvre commune, cela n’implique pas forcément d’avoir un objectif commun ». Pour Jonathan Jerémiaz , d’Impact France , les écarts entre les deux univers procèdent d’ « une opposition artificielle fondée sur des représentations erronées et parfois de l’auto-caricature ».

Des travaux par petits groupes impliquant l’ensemble  des participants ont ensuite été organisés afin de dégager des pistes de  coopération entre ces professionnels : affaire à suivre …

Gageons que la formation continue sera l’une des leviers prometteurs du rapprochement espéré !

De l’ESS à l’EPSS : Focus sur La Compagnie Générale des Autres

 

Jean-Baptiste Mangue : Depuis 2019 la Compagnie Générale des autres (CGA) promeut et impulse différentes rencontres entre travailleurs sociaux et entrepreneurs sociaux. Leur rayonnement se situe en Ile de France et bientôt dans d’autres villes. Ces « tisseurs de liens de solidarités » amplifient leur écho à l’issue d’une tribune publiée en 2018 dans le Monde. Sébastien Poulet Goffard en est l’instigateur. Assistant de service social de formation initiale il évolue vers d’autres horizons en co fondant la CGA. De cet article, il est à souligner «travailleurs sociaux et entrepreneurs sociaux, prenez le temps de la rencontre, du dialogue et de l’analyse partagée [….] les territoires et les publics fragilisés ont beaucoup à y gagner ».

L’epss sensible aux projets singuliers ESS récemment reconnue par la Loi impulsée par Benoit Hamon adoptée le 31/7/2014, soutient la CGA dans son développement d’activité. Leurs modalités d’intervention sont diversifiées : tables rondes, interviewes, ateliers projets territorialisés et séquences de formations (à l epss à venir une co intervention filière ASS et d’autres projets d’intervention en perspective pour 2022).

La CGA correspond à l’ouverture et valeurs que promeut l’epss : l’ouverture à de nouvelles formes émergentes en travail social en réseau et d’entreprenariat. Pas de panique avec l’idée d’entreprendre. Il s’agit bien là de réaffirmer la primauté de projets sociaux, éducatifs, culturels sur l’économique au service de l’intérêt général.

L’ESS en travail social n’en demeure pas moins une modalité d’entreprendre produisant des services et.ou des biens principalement pour des personnes vulnérables économiquement, socialement ou culturellement. Ces personnes engagées dans l’ESS sont le plus souvent désireuses de contribuer à réduire les inégalités sociales, économiques au travers de projets, actions resitués au cœur des territoires. Ce sont principalement des bénévoles, travailleurs sociaux citoyens élus, entrepreneurs….

Sous statut associatif ou encore coopératif…l’ESS répond donc au quotidien et de façon territorialisée à des besoins (non pourvus par l’état) et des problématiques diversifiées. L’aspiration à un idéal du mieux vivre ensemble anime ces groupes de personnes par la mise en action vers plus de justice sociale et d’un développement économique et durable

La CGA contribue à sa mesure de cette ambition sociale et économique. Alors relayons l’appel de la CGA à la rencontre entre travailleurs sociaux et entrepreneurs. La rencontre n’est-elle en travail social pas le préalable à toute forme d’entreprendre l’action partenariale ?